"Tribute to Ghassan Ghazal (1961-2016)" - Ghassan Ghazal

March 23, 2016 to March 29, 2016
Solo
Galerie Janine Rubeiz

"Tribute to Ghassan Ghazal (1961-2016)" - Ghassan Ghazal

“La violence et ce qui la cause deviennent une question de regard posé sur les choses. La multiplicité du regard ressort : la violence est culturelle. Elle est liée à des a priori culturels qui se traduisent par des pratiques politiques, sociales, religieuses, et qui touchent autant l'avènement de la chose que sa réception.”

- Chantal Pontbriand

Corps de béton

Dans le cadre du projet « voir et savoir », j’ai recours au braille. Chacune des lettres est composée de points saillants et d’un arrangement de six points dérivant d’une combinaison de soixante-quatre caractères. Cette composition  permet une lecture tactile dont les aspérités sont la concrétisation de formes en relief.

Le caractère formel et symbolique de ces formes est l’unique source de lumière qui permet au non-voyant de «lire» l’image transmise par le sens des mots. Contrairement aux lettres alphabétiques, le braille représente une calligraphie abstraite et universelle,  composée  de codages sémiotiques qui sont dénués de toute esthétique rétinienne. Cette antinomie crée une jonction ambivalente entre l’acte de voir pour voir (signifiant), et l’acte de toucher (signifié) comme  un moyen d’acquérir le savoir. C’est dans ce sens que l’objet et le sujet se confrontent et créent chez le spectateur un jeu réversible entre deux formes réceptives de lumière. Plus précisément, le signifiant consiste en une lecture minimale qui se manifeste dans  les formes matérielles et répétitives, rejoignant ainsi  le critère minimaliste  « What you see is what you see ». Quant au signifié, il saisit le sens linguistique du contenu pour créer l’image à voir.

 

Solidement ancrées dans la réalité, mes installations sont l’expression d’un langage métaphorique qui fait référence à des situations de nature socioreligieuse et politique. La présence physique et accablante des blocs de béton figure parmi les objets urbains qui jalonnent notre vie quotidienne. Leur présence, qu’elle soit esthétique ou sociopolitique, occupe nos espaces privés et publics, ces blocs de béton  se classant au rang d’objets de guerre «décoratifs». Cette interrelation  entre l’objet et son environnement spatial et temporel se construit à travers le vécu même de l’individu.

C’est dans ce contexte que je soulève la question de la valeur symbolique, religieuse et métaphorique de l’objet, son statut social «déphasé», ainsi que son agencement répétitif qui menace les espaces publics et privés. La dimension psychique du corps humain enfermé dans un corps en béton incarne forcément une image métaphorique sur la douleur tant psychique que physique.

L’entité masculine de la masse des «corps» de béton, sur lesquelles des écrits sacrés  en braille sont coulés, fait référence  à l’identité et au statut socioreligieux et politique de l’individu conditionné et privé  de sa liberté d’expression dans l’espace géographique arabe.

Le dialogue entre voir-savoir  et l’endurance physique du corps objet en béton est transmis à travers un langage aniconique universel – le braille -  qui oriente clairement la représentation du sacré et de l'indicible. Ce langage se veut une dissimulation allégorique et suggère une topographie qui oscille entre la logique formelle des écrits sacrés en braille et son implication sociale,  politique et religieuse dans notre vie quotidienne.

 

- Ghassan Ghazal